« Francis Palanque, qui s’est donné le nom de PALANC, est né en 1928 à Vence, où ses parents étaient pâtissiers. C’est apparemment à cause de sa propension à suivre à la fois plusieurs vues qu’il se trouvera amené à constituer deux alphabets. Il leur donne le nom d’écritures en fermotitude et en ouvertitude. »
(Publications de la compagnie de l’art brut, Paris 1964, Fascicule 1, Palanc l’écrituriste, pp. 27-47)
Les « deux-fois-né » sont-ils des idiots ?
Dans ce second article, qui est dans le prolongement du premier, j’explorerai ce que devient notre « deux-fois-né ».
Ce nouveau venu a d’abord été le fruit de l’union charnelle d’une mère et d’un père. Or, tout comme Jésus le recommande à ses disciples pour qu’ils soient en mesure de le suivre, il lui faudra abandonner père et mère, surtout sa mère, dont la toute-puissance risque d’être un obstacle majeur face à son but : devenir un sujet autonome. Sa seconde naissance est l’occasion de rencontrer une nouvelle mère, qui paraîtra à première vue bien moins attentionnée que la première, mais qui sera en réalité autrement plus enveloppante et protectrice.
Maintenant, je demande au lecteur d’être patient lors de la lecture de cet article car, pour parler comme Wittgenstein, ou bien je sais où je me rends, mais j’ignore comment je m’y rends, ou bien je sais comment m’y rendre, mais j’ignore où je me rends. Avant d’en venir au but que je crois m’être fixé, je dois effectuer quelques détours, ce pour quoi je ne connais à l’avance ni l’itinéraire que je vais emprunter ni sa longueur. Ce qui me rappelle le Consul, « ivrogne incurable » (dit de lui Clément Rosset au début d’un de ses livres, Le réel, traité de l’idiotie, éditions de Minuit, 1977), figure centrale du roman de Malcolm Lowry, Au-dessous du volcan (traduit en français en 1949). Voici comment Rosset le décrit : « Le Consul marche, sans but précis, sans direction déterminée, d’un pas à la fois incertain et assuré. (…) Admirable volonté de celui qui non seulement ne veut exactement rien, mais encore qui, s’il voulait quelque chose, serait hors d’état d’en avoir conscience. (…) là où il y a un chemin, on peut toujours trouver une volonté. (…) il n’y a plus pour lui depuis longtemps de chemins à perdre ni de chemins à retrouver (…). Ce sont plutôt les chemins qui ont disparu autour de lui, et avec eux toute possibilité de direction. (…) On peut bien, il est vrai, se déplacer sans intention déterminée ou tituber d’un pas d’ivrogne ; l’itinéraire qu’on aura suivi en fin de compte n’en aura pas moins tous les caractères de la détermination. » (Le réel, traité de l’idiotie, p. 9) Que le lecteur prenne cela comme un avertissement. J’avance en improvisant et en tâtonnant, je le rappelle, même si je m’efforce de rester fidèle à l’idée que je me fais du questionnement philosophique.
Qu’est-ce qu’un questionnement philosophique ?
Les élèves de terminale, après avoir passé l’épreuve de philosophie, ne savent en général toujours pas ce que sont un questionnement et un problème philosophiques. Je vais donc m’attarder auprès de l’expression : « questionnement philosophique ». Qui saurait le définir de façon pleinement satisfaisante ? Wittgenstein s’y est essayé : « 382. En philosophie, qu’on ne tranche pas le fil d’une maladie de la pensée. Elle doit suivre son cours naturel et le plus important est que la guérison soit lente (c’est pourquoi les mathématiciens sont de si mauvais philosophes). » (1) (c’est l’auteur qui souligne). Cet impératif (« qu’on ne tranche pas ! ») signifie qu’il ne faut surtout pas mettre un terme brutal à une maladie qui frappe la pensée. Il faut étudier son boitement si elle boite, ses certitudes si elle ne sait pas douter, etc. On ne corrige pas une pensée boiteuse comme on répare une fracture d’un os. Cette nécessaire lenteur, si éloignée de la vitesse des circuits d’une calculatrice de mathématicien ou des circuits neuronaux de ce dernier, vient du fait que le philosophe reste longtemps, souvent toute sa vie, aux prises avec les problèmes qui se sont dressés devant lui au cours de ses enquêtes et qu’il a accepté d’affronter (c’est Jankélévitch, je crois, qui a dit que « la philosophie est la science des problèmes insolubles »). Abandonner les problèmes philosophiques les plus ardus au prétexte qu’ils sont étrangers à la pensée commune, voilà une conduite que rejette Wittgenstein. Il écrit, dans le même livre : « 456. Il ne manque pas de philosophes (appelons-les comme on voudra) qui souffrent de ce que l’on peut appeler loss of problem (« perte des problèmes »). Tout leur semble alors très simple, les problèmes sérieux semblent ne plus exister, le monde devient vaste et plat, il perd toute profondeur ; et ce qu’ils écrivent devient infiniment mince et trivial. » (ibid. p. 121 ; je souligne). Jacques Bouveresse, qui occupa la Chaire de philosophie du langage et de la connaissance au Collège de France, interprète ainsi la pensée de Wittgenstein : « on devrait pouvoir se libérer d’un problème philosophique non pas par l’acquisition d’une forme de connaissance ou de vision supérieure, mais plutôt comme on se guérit d’un malaise, d’une anxiété, d’un trouble ou d’un désordre psychique. » (2) (Je souligne)
Mon malaise, mon anxiété, mon trouble sont alimentés par le besoin de comprendre ce qui se passe une fois effectuée la deuxième naissance. Notre « deux-fois-né » va-t-il prendre pied dans le même monde que celui de sa première naissance ? Continuera-t-il à être affecté de la même façon que les hommes qui sont nés une seule fois ? Quand on a lu l’allégorie de la caverne de Platon, on ne peut imaginer que l’unique prisonnier libéré (par un « on » mystérieux), une fois qu’il aura contemplé le soleil, demeurera ile même homme. C’est cette métamorphose que je vais essayer de cerner par quelques emprunts à divers auteurs et en l’abordant sous plusieurs angles. Et tant mieux si ce cheminement tortueux déroute le lecteur.
Le deux-fois-né doit téter la Mère
Commençons par des extraits du Tao-tö king de Lao-tseu, un des maîtres du taoïsme :
«Quiconque renonce à l’étude,
n’aura plus de soucis.
Quelle est la différence
entre le oui et le non ?
Quelle est la différence
entre la beauté et la laideur ?
(…)
Pareil à quelque chose qui se suspend dans l’air,
je suis comme quelqu’un qui n’a pas
d’endroit où se fixer.
(…)
Moi seul je diffère des autres hommes
parce que je tiens pour précieux de « téter la Mère ». » (3)
On a là un exemple de propos apophatique (qui repose sur de la négation, comme le sont les théologies dites négatives, ou apophatiques, pour lesquelles Dieu est L’Innommable, idée présente dans les traditions juive, chrétienne, musulmane). C’est à la fin que se trouve la seule affirmation : « téter la Mère » , comme si on obtenait tout seulement après avoir tout perdu (les traditions, les coutumes, les habitudes mentales, les assurances garanties par l’éducation parentale). Mais cette Mère-là ne ressemble en rien à la mère biologique, un être fini, arbitrairement donné, que le nourrisson aime « trop » pour le peu qu’elle est en réalité, ce qu’il découvrira par la suite, quand il aura compris que ses parents ne sont ni des géants, ni des êtres infaillibles. Ici, en disant « téter la Mère », Lao tseu parle du Tao, i.e. la Voie (en grec ancien, on dirait méthodos, le chemin), et il parle aussi de ce qui est révélé par le Tao, à savoir l’intégralité du réel, perçu de manière non-dualiste, comme ce sera le cas chez Shankara (penseur de l’Inde, maître de la doctrine de la non-dualité, ayant vécu entre 700 et 820 de notre ère, auteur, entre autres, du Suprême Joyau de Sagesse).
L’expression « téter la Mère » signifie se nourrir spirituellement du Tao. Le Tao peut être traduit également par « la mère de toutes choses ». N’étant nullement un spécialiste du taoïsme, je me bornerai à signaler que nous avons là quelque chose de plus « vaste » que Dieu, qui n’est qu’une représentation, de surcroît anthropomorphique – j’y reviens ci-dessous – et qui varie selon les religions, les lieux et les époques.
Spinoza et Nietzsche sont, à ma connaissance, les deux penseurs occidentaux qui se sont rapprochés le plus de cette idée taoïste (avec bien entendu de grandes différences dont je ne parlerai pas ici).
Spinoza met en garde contre une vision anthropomorphique du divin, idée que jugeront attentatoire à la dignité de Dieu les croyants ordinaires : « Dieu, à proprement parler, n’aime personne et ne hait personne. » (4) Dieu est défini comme substance infinie et éternelle identique à la nature infinie et éternelle : « La puissance par laquelle (…) l’homme conserve son être , est la puissance même de Dieu, autrement dit de la Nature. » (5)
Nietzsche se montre sur ce point très proche de Spinoza en mettant en garde contre une vision anthropomorphique de la nature : « Et savez-vous ce qu’est « le monde » pour moi ? Voulez-vous que je vous le montre dans mon miroir ? Ce monde : un monstre de force, sans commencement ni fin ; une somme fixe de force, dure comme l’airain, qui n’augmente ni ne diminue, qui ne s’use pas mais se transforme, dont la totalité est une grandeur invariable, une économie où il n’y a ni dépenses ni pertes, mais pas d’accroissement non plus ni de bénéfices ». (6) Idée reprise ici sous une autre forme : « comment oserions-nous blâmer ou louer le tout ! Gardons-nous de lui reprocher un manque de coeur, ou de la déraison ou leurs contraires : il n’est ni parfait, ni beau, ni noble, et ne veut devenir rien de tel. Il n’aspire nullement à imiter l’homme ! Il n’est touché par aucun de nos jugements esthétiques et moraux ! Il ne possède pas non plus d’instinct de conservation et absolument pas d’impulsion : il ne connaît pas de loi. Gardons-nous de déclarer qu’il y a des lois dans la nature. Il n’y a que des nécessités : là, nul ne commande, nul n’obéit, nul ne transgresse. » (7)
J’appellerai bavards ceux qui pensent que la réalité est aisée à comprendre du fait de similitudes qu’ils croient voir entre elle et eux. Et s’ils sont si nombreux, c’est parce que le désir, j’allais écrire la pulsion, de créer des significations habite l’esprit humain. Bavards parce qu’ils ne supportent pas le silence du réel, son caractère fondamentalement non-humain et a-sensé (ou insignifiant). Ce qui rend le bavard insupportable aux oreilles de celui qui a la faculté d’affronter le silence du réel, c’est que son propos, qu’il prétend se rapporter à la réalité, ne sert qu’à la masquer. Rosset écrit : « Parler le réel, c’est le manquer. » (8)
Or, le « deux-fois-né » est de nouveau muet (infans), il a perdu la parole qu’il avait pourtant acquise (comme l’illettrisme (9) décrit un soi-disant oubli de la lecture qui a pourtant été apprise sur les bancs de l’école, quoique je lui préfère l’analphabétisme, comme on va le voir plus loin, mais qui sera pris en un sens très différent de celui défini par L’U.N.E.S.C.O.). Le « deux-fois-né » a tout oublié de ce qu’il a appris auprès de ceux qui l’ont précédé dans la carrière, soucieux de l’adapter à leur monde, je veux parler des parents, éducateurs, journalistes et autres manipulateurs professionnels des esprits (10). Il redécouvre la réalité de façon inédite, avec une pensée dégagée des habitudes, libérée des conventions.
Vive l’analphabétisme !
Voici une citation que j’aurais pu insérer dans l’un des deux premiers articles sur les « deux fois nés » :
« Puisque j’ai l’air d’être complètement à bout — l’année dernière, je n’ai pas été éveillé pendant plus de cinq minutes — je vais être chaque jour obligé soit de souhaiter me voir ailleurs que sur la surface de cette terre, soit, sans qu’il me soit permis d’un tirer le plus modeste espoir, de tout recommencer comme un petit enfant. » (11) (c’est moi qui souligne)
L’homme-bébé de Rosset est le « nouveau-nouveau-né » qui refait l’expérience de l’analphabétisme, dont parle José Bergamín, un des meilleurs essayistes espagnols du 20e siècle : « Tous les enfants, tant qu’ils sont des enfants, sont analphabètes. (…) La pensée est encore dans l’enfant, tant qu’il est un enfant, un état de jeu. Et l’état de jeu est toujours, chez l’enfant, un état de grâce. (…) Ce qu’un peuple conserve d’enfance et ce qu’un homme peut tenir du peuple — qui est ce qu’il conserve d’enfance — est précisément ce qu’il a d’analphabète. L’analphabétisme est la dénomination poétique commune de tout état vraiment spirituel. (…) C’est quand on a rationnellement perdu le sens des hiérarchies qu’il faut tout ranger par ordre alphabétique. L’ordre alphabétique est un ordre faux. L’ordre alphabétique — celui des dictionnaires ou des vocabulaires plus ou moins encyclopédiques — auquel la culture tente de réduire l’univers, est le plus grand désordre spirituel. (…) L’analphabétisme populaire grec a, lui aussi, figuré par la blancheur de l’aube la pure ignorance spirituelle, le clair appétit céleste ; il a incarné la pensée poétiquement pure dans un nouveau-né immortel, nouveau-né de la raison divine. (…) Le mythe d’Hermès nous offre un dieu enfant, éternel nouveau-né, qui nous enseigne, à travers son image légère et fugitive comme la brise, le secret hermétique de penser. » (12) (c’est moi qui souligne)
Dans ce très curieux essai, Bergamín soutient qu’en perdant ce qu’il appelle l’analphabétisme, l’être humain perd une grande partie de sa puissance spirituelle et poétique. En gagnant en assurance rationnelle, en diplômes scolaires, en confort de vie matérielle et psychologique, en habitudes de pensée rassurantes, grâce auxquelles le monde devient pour lui « vaste et plat », comme le dit Wittgenstein dans le passage cité ci-dessus), il perd, sans le savoir, sauf s’il se réveille de ce « sommeil dogmatique » (pour parler comme Kant), sa puissance de vision neuve.
Wittgenstein me paraît avoir été assez proche de l’intuition du penseur espagnol lorsqu’il écrit : « Nos enfants apprennent dès l’école que l’eau consiste en certains gaz, l’hydrogène et l’oxygène, ou que le sucre consiste en carbone, hydrogène et oxygène. Celui qui ne comprend pas cela est idiot. Les plus importantes questions sont par là-même recouvertes. » (13) (l’auteur souligne en italiques ; je souligne en gras). Ou quand il écrit : « Les philosophes sont souvent comme ces petits enfants qui crayonnent quelques traits au hasard sur un papier, et qui demandent ensuite à une grande personne : « Qu’est-ce que c’est, ça ? » – L’enchaînement est le suivant : La grande personne a bien souvent dessiné quelque chose pour l’enfant, lui disant : « Ça, c’est un homme ; ça, c’est une maison, etc. » Maintenant c’est l’enfant qui fait des traits et qui demande : « Et ça, qu’est-ce que c’est ? » (14) Le philosophe est au milieu des hommes comme un enfant parmi des adultes qui imaginent que la réalité est simple à représenter : « Ça c’est le Bien, ça c’est le Mal, ça c’est juste, ça c’est injuste, ça c’est vivant, ça c’est inanimé… » (ce sont les parents qui parlent ici). J’ai fini sur ce couple parce que Nietzsche parle quelque part (je ne retrouve pas dans quel livre… si un lecteur le sait, qu’il me le dise, j’ajouterai cette précision) de la vie comme une espèce de mort, mais une espèce fort rare. Il faut être doté d’un regard très spécial, on en conviendra, pour ne plus voir de différence significative entre l’animé et l’inanimé.
Certains lecteurs, agacés, me traiteront d’imbécile, de stupide, d’idiot. Mais il ne faut pas confondre le stupide et l’imbécile avec l’idiot. Carlo Cipolla a établi une amusante typologie dans Les lois fondamentales de la stupidité humaine(éditions PUF), que je résume à grands traits : au sommet, on trouve l’intelligent qui se fait du bien en même temps qu’il fait du bien à autrui ; juste au-dessous, le bandit, qui se fait du bien en même temps qu’il fait du mal à autrui ; en avant-dernier, le crétin, qui se fait du mal en même temps qu’il fait du bien à autrui ; et, beau dernier, le stupide qui se fait du mal en même temps qu’il fait du mal à autrui. L’imbécile, quant à lui, c’est le boiteux de Pascal : « D’où vient qu’un boiteux ne nous irrite pas, et un esprit boiteux nous irrite ? A cause qu’un boiteux reconnaît que nous allons droit, et qu’un esprit boiteux dit que c’est nous qui boitons. » (15) (je souligne) C’est pourquoi le mot imbécile a pour origine étymologique la racine indo-européenne bak, qui signifie « bâton », en latin bacculum, d’où l’adjectif imbecillus, « sans canne, sans soutien » (Dictionnaire étymologique du français, p. 46, Éditions Robert, 1983).
Si je rejette les épithètes stupide et imbécile (quoique je les mérite peut-être en jouant comme je le fais avec les idées), j’accepte volontiers l’épithète apparemment aussi peu élogieuse d’idiot. Pourquoi ? Parce que l’idiot est l’individu singulier, aux idées singulières. Dostoïevski en a décrit un fameux dans un roman éponyme, le prince Mychkine, mais d’une sorte un peu différente de celui qui m’intéresse). J’ai cité tout à l’heure une phrase de Rosset : elle est tirée du livre appelée Le réel, traité de l’idiotie. Rosset est le penseur des singularités, en particulier de la singularité du réel, que les hommes s’évertuent à voir autrement qu’il leur apparaît ; c’est ce que Rosset appelle des doubles du réel.
L’idiotie du réel
La réalité est idiote, dans le sens où elle est éternellement singulière. Il n’y a qu’une réalité, malgré ce qu’écrit Max Planck, physicien du 20e siècle, qui fait peut-être la différence entre monde et réalité : « le monde de la sensation n’est pas le seul monde dont on puisse concevoir l’existence, mais qu’il y a encore un autre monde. À coup sûr, cet autre monde ne nous est pas accessible, mais son existence nous est indiquée. » (je ne me souviens pas dans quel livre j’ai trouvé ce passage ; c’est moi qui souligne). Un autre physicien du même siècle, moins connu que Planck, Bernard d’Espagnat, le suit sur ce terrain glissant de la distinction kantienne du phénomène et de la chose en soi, quoique lui aussi fasse certainement une différence entre réalité et conception de la réalité : « Il faut prendre en compte non pas une mais deux conceptions de la réalité. La réalité indépendante et la réalité empirique, et c’est seulement la seconde que la science nous révèle. La réalité indépendante n’est pas scientifiquement connaissable », qu’il appelle « réel voilé » (p. 96 de À la recherche du réel, 1981). Kant distingue en effet le phénomène (du grec phainóménon, ce qui apparaît, pure apparence) de la chose en soi qui ne peut être connue, ni même représentée, mais seulement pensée apophatiquement, i.e. négativement : « Ce serait ma propre faute si je faisais de ce que je devrais regarder comme un phénomène une simple apparence » (16) Il veut dire qu’accepter les phénomènes, c’est aussi accepter que se cachent derrière ceux-ci des choses en soi, ou noumènes. C’est comme si Kant voulait faire disparaître les apparences (dont le préjugé ordinaire dit qu’elles sont « trompeuses »). Un siècle plus tard, Nietzsche lui répond ceci : « Nous avons aboli le monde vrai : quel monde restait-il ? Peut-être celui de l’apparence ?… Mais non ! En même temps que le monde vrai, nous avons aussi aboli le monde des apparences ! » (17) (C’est Nietzsche qui souligne).
Certes, le « tout » de la réalité n’est pas connaissable par l’homme, qui n’a rien d’un être omniscient comme Dieu, puisqu’il n’est qu’une infime partie de la nature infinie (comme dit Spinoza), mais au moins peut-on intuitionner cette idée de singularité, ce qui me fait dire, à la suite de Bouveresse, que la philosophie repose moins sur des connaissances que sur des intuitions ainsi qu’à partir d’un langage mal employé (d’où la nécessité de le clarifier, tâche unique de la philosophie selon Wittgenstein).
Entre la réalité une et la pseudo-réalité multiple (au moins double), les hommes choisissent invariablement la seconde, comme si la singularité du réel leur était insupportable.
Remarque sur le Réel selon Jacques Lacan, psychiatre et psychanalyste français du 20e siècle :
À l’opposé du dualisme, le monisme, pour qui il n’y a qu’un monde, est synonyme d’angoisse, d’oppression, de suffocation pour l’homme ordinaire. Pour Lacan , le « Réel » désigne « une réalité phénoménale, immanente à la représentation, impensable et impossible à symboliser entièrement par le langage. Il le nomme aussi « l’impossible », « objet d’angoisse par excellence ». Pour Pierre Legendre et Cornélius Castoriadis, il existe un stade anté-représentatif du réel, qui rendrait fou si on le percevait sans filtre. Il est dissimulé pour le plus grand bien de notre santé mentale. Nous percevons quelque chose qui ressemble à ce Réel sans filtre, c’est paradoxalement dans le rêve-cauchemar. La conférence de Lacan : « Réel, Symbolique, Imaginaire », qui date de 1974, en parle : http://staferla.free.fr/S22/S22%20R.S.I..pdf. Attention, c’est long (108 pages en PDF), très difficile à comprendre, d’autant qu’il s’y trouve autant d’intelligence géniale que d’esbroufe et de délire. J’en tire deux très courts extraits : « On pourrait dire que le Réel, c’est ce qui est strictement impensable, ça serait au moins un départ » et « l’angoisse, en tant qu’elle est quelque chose qui part du Réel… » Je veux indiquer par là la proximité du Réel avec l’angoisse.
Moins angoissantes sont les histoires que nous nous racontons, surtout celles issues de notre imagination, de nos désirs et du langage qui permet de verbaliser ces « inventions » qui viennent recouvrir le réel brut, toujours insupportable, comme un cauchemar. C’est pourquoi l’homme ordinaire préfère confondre le réel et le possible. Certes, il « existe » d’innombrables possibles, comme l’indiquait une formule que j’ai lue un jour sur un camion d’Emmaüs : « Un autre monde est possible« . Mais parmi ces autres mondes possibles, aucun n’accède à la réalité sans disparaître en tant que possible (et ce n’est là qu’une formule, car à proprement parler, aucun possible ne se « transforme » en fait réel, mais demeure toujours prisonnier de la catégorie du possible. La réalité, elle, n’a rien à voir avec le possible (qui est une opération de l’esprit ajoutée au réel, comme Bergson l’a vu dans Le possible et le réel (in Oeuvres, PUF, p. 1339), essai de 1930 salué par Clément Rosset qui disait que s’y trouvait in nucleo toute sa philosophie. Dernièrement, j’ai trouvé un texte de Wittgenstein (cité par Bouveresse au début de son livre Le pays des possibles, Wittgenstein, les mathématiques et le monde réel, Éd. de Minuit, 1988, p. 7) qui dit le contraire : « Ce que dans le monde ordinaire nous appellerions une possibilité est dans le monde géométrique une réalité. (…) C’est une idée très importante : l’idée de la possibilité comme étant une espèce différente de réalité ; et nous pourrions l’appeler une ombre de la réalité. » Je crois que Wittgenstein a raison : le possible « hante » la réalité de l’intérieur, ne serait que parce que l’esprit et les idées qui s’y forment font eux aussi partie de la réalité. S’il y a distinction, c’est sur le plan des faits concrets, matériels : ici, le possible n’est qu’un « fantôme », une « ombre », comme dit Wittgenstein. Mais laissons ici ce problème annexe.
Singulière, absolue, la réalité est insignifiante, a-sensée (elle ne pourrait acquérir de sens qu’en étant comparée à d’autres réalités, comme un personnage de À la recherche du temps perdu qui estime que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue – comparée à quelle autre vie qui, elle, en vaudrait la peine ? demande justement Proust) et muette, car qu’aurait-elle à dire, à l’instar des animaux dont beaucoup d’hommes croient qu’ils parlent ? Les choses arrivent comme elles arrivent, et tout ce qu’on peut dire à propos de la réalité ou d’une de ses parties (surtout humaines, mais pas seulement) ressemble à de l’interprétation, donc à du délire. Rosset est allé jusqu’à affirmer que l’expression « délire d’interprétation » est tautologique (de type A=A) : tout délire est interprétation en tant qu’il ne considère pas les choses comme elles sont, et toute interprétation est délire en tant qu’elle s’éloigne de la réalité (délire vient du verbe latin delirare, qui signifie sortir du sillon). Les possibilités, bien qu’elles soient innombrables, disparaissent toutes ensemble d’un seul coup devant l’unicité et la singularité du réel.
Je sens que je m’approche enfin du but que je ne faisais qu’entrevoir au début de cet article. Pardon pour les divers égarements subis par le lecteur, ces chemins de traverse ont pour fonction de lui faire découvrir divers textes, diverses pensées, et surtout le risque de penser.
Si l’homme est le seul animal qui délire, c’est parce qu’il possède un esprit (peut-être serait-il plus juste de dire qu’il est possédé par un esprit) qui a bien du mal à digérer la réalité. Il est cet être « qui se prend pour un empire dans un empire » (Spinoza). Dans l’empire de la nature, celui de l’homme lui apparaît comme supérieur, indépendant : au milieu du chaos sans but, lui seul serait finalisé ; au milieu du déterminé, lui seul serait libre, etc. Et à force de se prendre pour cet empire indépendant de l’autre, il en vient à imaginer que la réalité ne saurait se limiter à ce qu’on appelle l’apparence, qui a le tort de tout mettre sur le même plan d’immanence (dirait Deleuze). Derrière les apparences, il doit bien exister quelque autre chose mystérieuse qui aura enfin du sens et de la valeur. C’est ainsi que pense un adulte « sérieux » : il y a des valeurs, la vie humaine a un sens, et la réalité triviale est doublée et sauvée par une réalité plus profonde, supérieure. Le chaos laisse place à de la finalité, à de l’harmonie. Dieu n’est plus très loin. Mais la pensée enfantine ne se fait pas (pas encore, du moins) tant de souci.
L’enfance comme contact naïf avec l’idiotie du réel
Philosopher reviendrait à généraliser une expérience de « désapprentissage » par où on retrouverait un contact naïf, enfantin, avec les apparences dépouillées de leur aura mystérieuse, ce que Stirner appelle des fantômes, et Nietzsche des arrière-monde. Par ce désapprentissage, on pourrait enfin célébrer les noces avec un réel intact. Philosopher serait redevenir un enfant. Il existe peut-être des philosophies pour adultes et des philosophies pour enfants. Il n’y a peut-être même que deux âges philosophiques importants, l’enfance et la vieillesse (ce que Schopenhauer a vu) qui sont alliés et qui font face au camp adverse, celui de la maturité (âge où l’on s’occupe des choses qu’on dit sérieuses : le mariage et la reproduction, le travail et la politique). Et s’il y a un âge terrible pour notre espèce, davantage un passage qu’un état, c’est le bref – qui a tendance à se prolonger – intermède de l’adolescence (adolescere, c’est croître, tandis qu’adultus, c’est ce qui a fini sa croissance), posé comme une passerelle entre l’enfance et la maturité (Gombrowicz a écrit un étonnant roman, Ferdydurke (18), dans lequel il développe son concept d’immaturité). On fait pendant l’adolescence ses premières armes morales, on commence à prendre au sérieux les propos des adultes : argent, culpabilité, sexualité, politique, liberté, nature, morale, et on embrasse les idéologies qui sont au goût du jour, le plus souvent contestataires, quel soit le sujet, et quelle que soit la légitimité de ces exemples. On remplace allègrement la vérité de fait (donc le réel) par une opinion, ce qu’analyse Hannah Arendt dans « Vérité et politique », un chapitre de La crise de la culture (au programme des CPGE scientifiques pour 2023-2024) : « Pour imposer son mensonge (…), un menteur prétend qu’il s’agit de son « opinion » (…). Cela est fréquemment pratiqué par des groupes subversifs », dit-elle. C’est exactement ce qu’on retrouve aujourd’hui dans divers courants contestataires. Ne goûtant guère la vaine et stérile polémique, je renvoie le lecteur au livre du philosophe Jean-François Braunstein, qui en pensera ce qu’il veut, si possible après lecture (https://www.campus.uliege.be/cms/c_11021216/fr/jean-francois-braunstein-la-philosophie-devenue-folle-le-genre-l-animal-la-mort). Selon Braunstein, la théorie du genre et l’antispécisme relèvent d’un délire, d’une dénégation du réel. On peut en ajouter d’autres (la liste est longue). Rosset écrit à propos de l’objet de tout investissement (dont celui du militant) dans un de ses livres : « On verra telle ou tel se passionner tour à tour, et chaque fois exclusivement, pour l’alimentation macrobiotique, un amour romanesque et sans espoir, l’existence des soucoupes volantes, la révolution culturelle en Chine, la personnalité véritable du masque de fer. On chercherait en vain un caractère commun à ces obsessions momentanées si l’on se contentait d’examiner l’un après l’autre le contenu de chacune de ces thématiques en jeu. Mais on sera plus heureux si l’on recherche ce point commun, non du côté de ce qu’elles admettent, mais du côté de ce qu’elles excluent. L’objet que ces passions disparates ont en commun est d’être un objet irréel. » Un adolescent qui prend ces obsessions ou théories au sérieux, s’indigne, s’emporte, se révolte. Hélas, l’indignation est peut-être le pire crime contre l’esprit (car dans ce cas, c’est le système limbique qui dirige les opérations mentales, et non plus le système noétique). Du fait de sa première indignation (à moins qu’il en guérisse, ce qui arrive parfois, mais la guérison est lente), on peut dire de notre adolescent qu’il est fichu pour la philosophie (ce qui m’arriva entre 15 ans et 25 ans, où je me tournai vers ce qu’on peut appeler la philosophie engagée, oxymore s’il en est).
Ces adolescents et aussi beaucoup d’adultes ressentiront peut-être à la lecture de cet article une déception, celle de se dire que je souffre de résignation. Il se trouve que je me définirais volontiers comme un « décepteur ». Les déçus appartiendraient plutôt à la catégorie de ceux qui réclament de la complexité plutôt que de la simplicité, du vague plutôt que de l’exactitude et de la précision, qui goûtent le ton prophétique et qui rêvent d’améliorer la réalité en la rendant plus supportable pour les hommes (et pour les animaux tant qu’on y est). Il n’y a rien de tout cela dans l’esprit enfantin, dont l’existence se déroule dans la réalité et où il compte bien y tirer son épingle du jeu. Que voit-on sur le visage d’un enfant, sinon l’ignorance bienheureuse de la mort, le consentement au jeu infini et éternel du monde ? Il se pourrait d’ailleurs qu’une des raisons qui expliquent cette manie de se reproduire soit qu’on veuille retrouver à leur contact cette indifférence à la mort, cette nescience dans laquelle l’enfant baigne, auréolé d’un état qui est à lui-même trop gracieux pour avoir besoin du secours d’une grâce transcendante. La philosophie de Clément Rosset, qui fut d’abord mon professeur, puis mon maître, est manifestement enfantine, c’est la pensée (une perception à la fois intellectuelle et affective) d’un bébé immunisé à la naissance contre les illusions humaines, trop humaines, ou qui aurait guéri par anticipation des passions, préjugés, illusions, croyances des hommes — en somme un bébé pensant qui n’a jamais existé et n’existera jamais (tel Lao tseu qui, selon la tradition chinoise, serait né avec des cheveux blancs et une barbe, d’où son nom d’ancien – Lao), à moins qu’un musicien n’ait été cet enfant improbable. Rosset cite un propos de David Rissin portant sur les musiques d’Offenbach et de Mozart (in Offenbach ou le rire en musique, p. 5, Fayard) : « La musique d’Offenbach m’a toujours fait rire. Non comme on rit d’un bon mot, mais comme on rit de joie. Je réagis de même devant celle de Mozart, quand elle unit sensualité et spiritualité et nous replonge dans cette sensation de plaisir à l’état pur qu’imagine et recherche l’enfant. » (19)
Voilà, j’en ai enfin fini avec les « deux-fois-nés », ni meilleurs ni pires que les autres, mais dépourvus de ce qu’on nomme maturité, cet âge adulte qui n’est le plus souvent qu’une modalité de l’aveuglement et de la sclérose du jugement. Ces hommes-bébés (dont parle la lettre de Rosset, citée dans la première partie – le premier article) sont dotés à la place de cette cécité d’une perception extraordinaire, ou tout simplement intacte, de la réalité, perception qui fait voir la réalité comme chaos insignifiant, obscur et sans double, non humain. Apprenant que le monde est ainsi, que leur importe alors que d’autres mondes soient possibles, puisqu’ils en retirent la joie de vivre justement dans celui-ci, qu’ils savent être l’unique monde à leur disposition, joie d’exister sans distance et sans « amortisseur » issu du désir, de l’imagination, de l’illusion et du ressentiment, comme cette stupéfiante déclaration (qui réussit l’exploit de se contredire en une seule phrase) de l’écrivain Louis Guilloux : « J’accepte la vie, mais je suis très malheureux de voir la situation effroyable dans laquelle se trouve l’humanité. ». (entretien diffusé sur Arte, émission Métropolis de 1999).
À l’inverse, voici une formule qui pourrait convenir à l’homme-bébé : « ma seule chance d’en sortir est d’y rester consciencieusement. » (20) Notez le télescopage des deux verbes. Beckett avait raison de dire de l’oeuvre injustement oubliée de Robert Pinget qu’il s’agissait d’orfèvrerie. Ou encore celle-ci, au sujet de Pauline, héroïne du roman de Zola, La joie de vivre, dont l’auteur dit quelque part qu’elle a la gaieté d’une personne de raison que l’absurde met en joie. Cette joie est la joie des enfants, qui ne se racontent rien sur le monde, seulement des histoires qui sont comme des façons de jouer avec tout ce qu’offre (de bien réel, à la différence des idéologies par exemple) le réel, et non des manières de se jouer du monde en appelant d’autres « réalités », possibles et illusoires, à la rescousse.
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NOTES :
(1) Ludwig Wittgenstein, Fiches, p. 103, Gallimard, 1970.
(2) Jacques Bouveresse, La demande philosophique, avec comme sous-titre : Que veut la philosophie et que peut-on vouloir d’elle ? p. 71-72, Éditions de l’éclat, 1996.
(3) Lao Tseu, Tao-tö king, XX, traduction de Liou Kia-hway, in Philosophes taoïstes, p. 22, La Pléiade, 1980.
(4) Corollaire de la proposition XVII, De la liberté humaine, 5e partie de l’Éthique.
(5) Démonstration de la proposition IV de De la servitude humaine, 4e partie de l‘Éthique.
(6) Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes, volume 11, Fragments posthumes. Automne 1884 – Automne 1885, pp. 343-344, Paris, Gallimard, 1982.
(7) Nietzsche, Le gai savoir, § 109.
(8) Clément Rosset, Le réel, traité de l’idiotie, p. 82.Éditions de minuit, 1977.
(9) « L’U.N.E.S.C.O., lors de sa fondation, avait adopté une définition scientifique, très précise, de l’analphabétisme qu’elle se donnait pour tâche de combattre dans les pays arriérés. Quand on a vu revenir inopinément le même fait, mais cette fois du côté des pays dits avancés, comme un autre, attendant Grouchy, vit surgir Blücher dans sa bataille, il a suffi de faire donner la Garde des experts ; et ils ont vite enlevé la formule d’un assaut irrésistible, en remplaçant le terme analphabétisme par celui d’illétrisme. » Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, p. 51, éditions Gérard Lebovici, 1988.
(10) « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible » déclara fort imprudemment Patrick le Lay, alors directeur des programmes de TF1 au journal Télérama, voilà plus de vingt ans.
(11) Kafka, Journal, 19 janvier 1911, p. 32, Le livre de poche.
(12) José Bergamín La décadence de l’analphabétisme, pp. 9-13, éditions La délirante, 1988.
(13) Wittgenstein, Remarques mêlées, p. 85, éditions TER, 1984.
(14) ibid. p. 27, éditions TER, 1984.
(15) Pascal, Pensées et opuscules, pp. 361-362, Classiques Hachette, publiées par Léon Brunschvicg.
(16) Kant, Critique de la raison pure, première division, 2e section, §8, Remarques générales sur l’esthétique transcendantale, Oeuvres philosophiques, tome I, p. 809, La pléiade.
(17) Nietzsche, Le crépuscule des idoles, in Oeuvres philosophiques complètes, tome VIII, p. 81.
(18) « j’avais l’impression qu’il ne fallait pas me débarrasser du blanc-bec en moi trop vite et trop légèrement, que les adultes étaient trop habile et pénétrants pour se laisser tromper et que si quelqu’un était sans cesse poursuivi par son blanc-bec, il ne pouvait pas se présenter sans lui en public. Je prenais trop au sérieux le sérieux, je mettais trop haut le caractère adulte des adultes. » Gombrowicz, Ferdydurke, p. 9, Christian Bourgois, collection 10-18,1983.
(19) Clément Rosset, Matière d’art, p. 69, Le passeur, 1992.
(20) Robert Pinget, Quelqu’un, 1965, p. 194, Editions de Minuit.
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